Vin, bière : les chiffres d’un désamour mondial
La consommation d’alcool dans le monde reste durablement affectée par des crises en cascade. Depuis 2019, le plongeon est considérable pour le vin. Revue de détail.
Le Covid et l’inflation ont fait l’effet d’une onde de choc sur la vie économique mondiale. La consommation des boissons alcoolisées n’y a pas échappé. A deux mois de l’ouverture d’un des plus gros Salons mondiaux des vins et spiritueux, Vinexposium, à Paris entre le 10 et le 12 février, les experts en ont tiré le constat en fin de semaine.
Les volumes mondiaux de boissons alcoolisées ont encore reculé au premier semestre 2024 (-1,1 % sur un an), selon des chiffres publiés cette semaine par IWSR, le principal fournisseur de données consacrées à ce marché. Bien qu’ayant connu un fort rebond de près de deux ans après le premier confinement, la consommation d’alcool dans le monde reste inférieure de 5,5 % à son niveau de 2019.
En cause, la Chine et les Etats-Unis, « où une évolution des habitudes et des budgets réduits ont impacté la consommation », selon IWSR. Malgré une moindre inflation, « les dépenses discrétionnaires restent limitées ».
Prix déterminants
La plupart des boissons alcoolisées sont concernées, à l’exception des spiritueux (+4,6 %) et des « ready-to-drink »(cocktails prêts à boire), dont les ventes ont explosé en cinq ans avec un gain de volumes de près de 50 %. Cet engouement est quasi mondial, à l’exception notable de la Chine, l’Australie et le Royaume-Uni. Sur le seul premier semestre, les « prêts-à-boire » ont encore vu leurs volumes augmenter de 1,9 %.
Sans surprise, le plongeon le plus impressionnant depuis 2019 est celui du vin (-20,1 %), suivi par le cidre (-11,5 %) et la bière (-3,5 %). La bière, qui totalise de loin les plus gros volumes (presque deux fois plus que les spiritueux et trois fois plus que le vin) ne parvient pas à se relancer depuis la crise sanitaire malgré une certaine dynamique au Brésil et au Mexique. Elle pâtit de la faiblesse des marchés chinois et américain.
Dans un marché du vin toujours mal orienté au premier semestre 2024 (-3,9 %), IWSR relève la performance du prosecco avec des volumes en hausse de 5 % grâce à « son accessibilité », tandis que le champagne, dont les prix ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, chute de 8,6 %. Un facteur – à rebours de la tendance à privilégier les petits prix – qui ne pénalise pas les bières premium, qui ont connu un regain de ventes (+1,7 %) au premier semestre.
Recul de la Chine
Les régions du monde ne sont pas toutes logées à la même enseigne depuis le début de l’année. Le succès de la bière et des « ready-to-drink » (RTD) en Amérique latine et en Afrique du Sud contraste avec les baisses observées dans les autres pays, Chine en tête (-5,4 %) tous alcools confondus.
IWSR invoque « des occasions de consommation formelles moins nombreuses et des stocks élevés » dans l’ex-empire du Milieu. Les baisses sont deux fois moindres sur le marché américain, tant pour les spiritueux que pour la bière mais, prévient IWSR, « une gestion efficace des stocks sera essentielle à la reprise ».
En France, la consommation totale d’alcool a reculé de presque 5 % sur les six premiers mois de l’année en raison des hausses de prix et de la baisse du pouvoir d’achat. Des recettes touristiques record (+12 % par rapport à 2019) ont contribué à compenser une partie du déclin des ventes hors domicile.
Dans le détail, la chute du whisky (-6,2 %) est d’autant plus notable que la France est le deuxième plus gros consommateur de scotch après l’Inde. Portée par les cocktails, la consommation de gin reste inchangée, et celle de tequila a bondi de presque 4 %. Le prosecco et les crémants ont encore gagné en popularité grâce à la différence de prix avec le champagne. Le vin a encore baissé de 5,4 % et la bière de 4,4 %, malgré un mieux du côté des bières artisanales et de spécialité. Les spiritueux sans alcool ont bondi de 14 %. Enfin, les Français témoignent d’un intérêt grandissant pour les effervescents sans alcool (+3,9 %).
La production mondiale de vin historiquement basse
La production de vin dans le monde devrait atteindre un plus bas historique en 2024, selon les toutes premières estimations de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) publiées vendredi. Sur la base des données de 85 pays, elle devrait se situer entre 227 et 235 millions d’hectolitres, en recul de 13 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années et de 2 % par rapport à 2023, qui était également une très petite année. A ce niveau de production, « l’offre mondiale est désormais plus alignée avec une consommation en baisse », a commenté John Barker, le directeur général de l’OIV.
Ce n’est cependant pas une bonne nouvelle car, partout, ce sont les excès climatiques qui expliquent les moindres récoltes. « Il est urgent de mettre au point de nouvelles techniques de production et des stratégies qui prennent en compte le changement climatique », a ajouté John Barker. « On doit se concentrer sur la qualité des sols et la séquestration du CO2 dans la terre. »
L’Italie a repris le leadership de la production mondiale devant la France avec une récolte de 41 millions d’hectolitres, contre 36,9 millions en France, la plus basse depuis 2017 en raison des maladies et de la sécheresse. L’Espagne suit avec 33,6 millions d’hectolitres en hausse de 18 % en un an, mais ce chiffre reste inférieur à la moyenne des cinq dernières années. Pour l’Europe, 2024 sera la plus faible récolte du siècle.
Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/vin-biere-les-chiffres-dun-desamour-mondial-2134979