Une pénurie d’oranges secoue le marché du pur jus de Tropicana
La succession de catastrophes climatiques a touché de plein fouet la production d’oranges, dont la raréfaction entraîne une flambée des prix. Les entreprises de jus de fruits, comme le leader Tropicana, sont contraintes de modifier leurs recettes.
L’horizon continue de s’obscurcir pour l’industrie des jus de fruits. Les catastrophes climatiques s’amoncellent sur les plus grands pays producteurs d’oranges, dont le Brésil, et la pénurie de matière première continue de s’aggraver dans le monde, obligeant les entreprises à modifier leurs recettes.
Leader historique des ventes de pur jus d’orange en France, le géant Tropicana, vendu par Pepsi Co au fonds d’investissement PAI en 2021, vient ainsi de perdre un de ses principaux fournisseurs. Alico met fin à sa division agrumes après des années de pertes liées aux cyclones et aux questions sanitaires. En dix ans, l’entreprise a perdu 70 % de sa production. En annonçant devenir une société foncière diversifiée, elle a fait s’envoler son cours de Bourse de 22 %. Comme elle, nombre d’agriculteurs de Floride ont été forcés à vendre leurs vergers pour en faire des terrains constructibles.
Jouer la carte multifruits
Tropicana n’a pas attendu cette décision pour innover et modifier son offre. Non sans provoquer quelque étonnement sur le marché. L’entreprise s’est lancée sur le terrain d’Oasis en proposant trois nouvelles boissons plates « aux fruits et à l’eau de source » sous la marque Juicy, où l’orange ne joue plus qu’un petit rôle, tandis que l’eau devient la composante à 78 %.
C’est le cas du Juicy Tropical, où l’orange issue du concentré ne compte que pour 6,5 %, comme la pomme, l’ananas n’intervenant que pour 2,5 % et les fruits de la passion pour 0,25 %. Dans le Juicy Orange, l’eau représente aussi 78 % de l’ensemble, l’orange 8 % comme la pomme. Dans la troisième variante de Juicy, associant pomme, cassis, framboise, l’eau intervient dans la même proportion que dans les deux précédentes recettes.
« La tentation de jouer la carte multifruits s’observe dans la plupart des entreprises, ce qui ne résout pas toujours tous les problèmes », explique Emmanuel Vasseneix, président d’Unijus. La pomme, beaucoup utilisée dans les jus de fruits, a beaucoup enchéri après la chute de récolte de 20 % l’an dernier en Pologne, pourvoyeur essentiel de ce fruit dans le monde.
D’autres entreprises, également confrontées à la pénurie de jus d’orange, envisagent de mélanger à leurs boissons du jus de mandarines, moins chères et moins sensibles à la maladie qui sévit sur les orangers. Même le japonais Suntory, qui ne fait pas de pur jus mais des boissons à l’orange comme Orangina et Oasis, a annoncé des modifications de ses recettes, seule façon d’amortir la flambée des prix. Le groupe estime avoir sécurisé ses approvisionnements pour plusieurs mois mais n’avoir pas de garantie sur les prix.
Le concentré de jus d’orange à prix d’or
Il faut dire que la pénurie de jus d’orange est devenue critique depuis deux ans. Et la récolte de septembre 2024 au Brésil, de très loin le premier fournisseur, n’a pas permis de redresser la barre. Au contraire, la production devrait chuter de 20 %, selon Citrus BR, l’association des exportateurs brésiliens d’agrumes. Le Brésil a dû faire face à une grande vague de sécheresse à laquelle il faut ajouter les dégâts opérés par le greening, une maladie bactérienne mortelle qui verdit les agrumes.
Initialement repérée en Chine pendant la deuxième guerre mondiale, elle a gagné les vergers en Afrique, avant de se propager dans les années 2000 à l’Amérique latine et centrale, ainsi qu’à la Floride. Bien que les chercheurs du monde entier planchent sur la question depuis une vingtaine d’années, il n’existe pas de traitement vraiment efficace du greening.
Par conséquent, le prix du concentré de jus d’orange a été triplé au cours des trois dernières années, à 7.000 dollars la tonne. En France, les distributeurs ont consenti une hausse de 45 centimes par litre de jus de fruit pour 2025. C’est la deuxième année consécutive, précise Emmanuel Vasseneix.
Les ventes en volumes des jus, nectars et boissons à base de concentrés sont en forte baisse sur douze mois à fin décembre, sous l’effet de l’inflation, mais aussi en raison d’une offre moindre. Les chutes les plus importantes concernent le bio (-17 %) et les concentrés (-13,5 %). Le pur jus a mieux résisté avec une baisse de 6,1 % sur la période, selon NielsenIQ. L’orange reste privilégiée par les consommateurs en France, avec des ventes de 360 millions de litres de pur jus d’orange sur un total de 657 millions de litres de pur jus de fruits toutes catégories.
Par Marie-Josée Cougard – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/une-penurie-doranges-secoue-le-marche-du-pur-jus-de-tropicana-2141556