Starbucks : Des ventes en baisse et pas de réaction… Pourquoi la marque boit la tasse ?
Alors qu’il semblait prêt à dominer le monde en 2010, le géant américain du café Starbucks commence sérieusement à patiner. Mais pourquoi donc le macchiato sucré à 15 balles n’est plus à la mode ?
Starbucks : Des ventes en baisse et pas de réaction… Pourquoi la marque boit la tasse ?Un café à la grimace pour Starbucks. Pour le troisième trimestre consécutif, les ventes de la marque ont reculé au niveau mondial (- 3,2 % de chiffre d’affaires, et même – 7 % à nombre comparable de boutiques). Le groupe dévisse également en bourse, a changé expresso son PDG cet été, et cherche « à revenir à ses origines », selon les mots du nouveau patron. Ce qui, en langage d’entreprise, n’est jamais bon signe.
Mais comment le géant américain, qui était en passe de faire du macchiato le nouveau Big Mac mondialisé dans les années 2010, a perdu son fol élan ? L’enseigne s’est peut-être, justement, un peu trop reposé sur ses lauriers… Une théorie défendue par Bernard Boutboul, président du cabinet Gira : « Chez Starbucks, ils étaient les meilleurs pour prendre un café rapide. Mais il n’y a eu aucune évolution, aucun renouvellement. La marque avait énormément d’avance, ce sont eux qui ont démocratisé le café premium hors domicile, mais ils se sont laissés rattraper. Aujourd’hui, plein d’autres enseignes proposent le même type de produits, et parfois meilleurs. »
Marché en hausse mais féroce concurrence
Benjamin, 32 ans et ancien consommateur déçu de la marque à la sirène, valide la critique : « McDo, par exemple, a tenté des choses, est revenu sur certains trucs, propose plus de choix, change ses gammes de produits. Starbucks, tu y vas en 2010 ou en 2024, c’est exactement le même endroit. »
Pourtant, le produit en lui-même a le vent en poupe : « Les marchés de la boisson chaude et de la restauration rapide sont en hausse », diagnostique Nicolas Nouchi, directeur des études Strateg’eat. Un marché porteur, donc, mais aussi une concurrence accrue. Non seulement le développement d’une offre indépendante avec l’essor des coffee shops et des torréfacteurs indépendants, mais « aussi un marché de la pâtisserie-boulangerie qui a bien compris le filon et qui s’équipe de mieux en mieux pour produire des boissons chaudes de qualité. »
Des valeurs qui ne sont plus en phase avec leur cible
Les coffee shops, fortement démocratisés ces dernières années, proposent un storytelling plus en phase avec le client-type : le jeune aisé. Sophie Thiron, sociologue de l’alimentation à l’Université de Toulouse, décrypte : « Contrairement aux fast-foods qui ont toujours visé une clientèle large, et notamment populaire, Starbucks a construit son cœur de cible sur les élèves en études supérieures, les néo-diplomés et les jeunes cadres. »
Mais en quinze ans, les valeurs de cette clientèle privilégiée ont changé : « Ils portent désormais une certaine aversion pour les grandes chaînes et les restaurants impersonnels. » Et difficile pour Starbucks de changer de clientèle : Bernard Boutboul rappelle des prix plutôt élevés. Et Nicolas Nouchi d’ajouter : « Le consommateur revoit à la baisse ses achats hors domicile ».
« Une mode dépassée par d’autres modes »
Autre grande aspiration des jeunes selon Pascale Hébel, codirectrice de société de conseil en marketing et spécialiste du marché alimentaire : « l’expérientiel. Or, Starbucks n’en propose pas. Il n’y a pas d’événements éphémères ni d’expérience client particulière ». A part la faute sur votre prénom écrit sur le gobelet, mais c’est vite redondant. L’experte synthétise : « Starbucks était un phénomène de mode qui, à force de rester inerte, s’est fait dépasser par d’autres modes », notamment l’arrivée en force de l’Asie dans les gosiers. « Les bubble tea et les matchas ont des goûts très régressifs », poursuit la spécialiste.
Le café américain se trouve désormais un peu entre deux feux – pour le côté healthy et sain, on préférera un café sans sucre chez un indépendant ; pour le côté papilles, les boissons asiatiques l’emporteront. « Les jeunes consomment moins de café que les plus âgés et se tournent plutôt vers les boissons énergisantes », poursuit Sophie Thiron. Encore une cible manquée… Et en parlant de valeurs des jeunes, on ne coupera pas à l’instant géopolitique. « De ce que je vois autour de moi, Starbucks est souvent boudé avec le boycott des marques qui soutiennent Israël », explique le trentenaire Benjamin.
Et la bouffe, dans tout ça ?
Parenthèse guerrière fermée, et si le problème de Starbucks n’était pas tout simplement ses boissons ? « Son offre de nourriture n’a jamais convaincu », insiste Bertrand Boutboul. Les donuts, trio de pancakes ou Egg and Bacon Muffin « ne font pas le poids face aux offres des boulangeries-pâtisseries », explique Nicolas Nouchi. Qui y voit « un vrai problème car l’offre alimentaire des coffee shops ne cesse de s’améliorer, là où Starbucks n’évolue pas aussi vite dans ce domaine. »
Pascale Hébel conclut : « Ils ont notamment loupé le virage brunch, avec une offre salée insuffisante. Or, alcool mis à part, c’est rare de s’arrêter à un endroit juste pour boire. »
Par Jean-Loup Delmas – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Pourquoi Starbucks est en train de méchamment boire la tasse ?