L’appétit des Millennials américains pour les réseaux sociaux pousse les restaurants et fast-foods à revoir leurs menus pour concevoir des plats plus photogéniques.

Ces temps-ci, difficile d’échapper à la  « rainbow food » de l’autre côté de l’Atlantique. A New York, à Miami ou sur la côte ouest, les best-sellers de la gastronomie américaine ont pris d’étranges teintes multicolores. Burgers, doughnuts, gaufres, pancakes, et même les  frappuccinos Starbucks … tous se déclinent désormais en arc-en-ciel.

La faute à qui ? Aux Millennials, ces utilisateurs compulsifs d’Instagram, inconditionnels du « food porn », tendance consistant à scénariser la photo culinaire. « C’est notre génération qui veut ça, a  expliqué au site « Thrillist » Kevin Nguyen, le fondateur du restaurant GD Bro Burger à Los Angeles, qui fait des burgers rose framboise. Si vous n’avez pas pris un Snap ou mis une photo sur Instagram, c’est comme si votre expérience n’avait pas existé. On s’est dit que c’est quelque chose qu’il fallait utiliser ».

« Le top c’est la couleur »

Nombre de restaurants et fast-foods américains ont intériorisé et capitalisé sur cette tendance. Comme Chomp Eatery, l’inventeur du  « unicorn melt » (littéralement « la fondue de licorne »), un sandwich au fromage fondu multicolore qui fait un tabac, et qui a été pensé presque uniquement pour Instagram. « En ce moment, le top c’est la couleur »,  explique la fondatrice de Chomp Eatery , qui admet avoir testé le principe de l’arc-en-ciel sur différents supports mais avoir choisi le sandwich parce que c’était « le plus beau, le plus instagrammable ». « C’est comme votre petite amie, elle doit avoir une personnalité et elle doit être belle, c’est comme ça. La nourriture doit être belle pour être aimée », poursuit-elle, promettant bientôt une gamme de burgers à paillettes.

Si l’appétit des Millennials pour Instagram est une bénédiction pour les enseignes qui savent l’utiliser, elle a aussi forcé les chefs des restaurants traditionnels à repenser leur offre. Certains font appel à des « food stylists » pour optimiser leurs dressages et faire exister leurs plats sur les réseaux sociaux – une belle photo sur Instagram a un effet mécanique sur les réservations. La dictature de la photo les pousse aussi à travailler sur des détails comme la mise en scène du sachet de sucre en poudre, le design du menu ou du set de table, et même la décoration des toilettes.

Moins d’espace pour cuisiner

Les espaces, aussi, sont repensés : les chefs veulent « plus d’espace pour dresser et composer les plats, et moins pour cuisiner » , a expliqué le chef David Kinch au « New York Times », ce qui implique de concevoir des recettes moins sensibles à la température. Michael Chernow, propriétaire de plusieurs restaurants à New York,  admet de son côté avoir « pris en compte Instagram à 100 % » pour concevoir son dernier né, avec des surfaces en bois, zinc, ardoise, et béton, pensées pour composer des arrière-fonds de photo.