Accor mise sur la gastronomie de Paris Society pour se développer à Dubaï
Désormais propriété à 100 % du groupe hôtelier, la PME peut exporter ses concepts de restaurant à succès dans le monde et s’appuyer sur la filiale lifestyle d’Accor, Ennismore, pour faire la différence dans les hôtels du groupe par rapport à la concurrence.
C’est la première fois que Paris Society, l’entreprise d’hospitalité premium avec ses restaurants Monsieur Bleu, Girafe, Coco Piaf, Perruche ou encore Bambini, devenue propriété à 100 % du groupe hôtelier Accor en 2022, exporte l’un de ses concepts stars. Et c’est probant : ouvert il y a un mois et demi à Dubaï, Gigi fait déjà le plein avec 1.200 couverts le week-end.
C’est un jardin méditerranéen au bord du golfe Persique qui semble avoir toujours été là avec ses plantes grasses et ses oliviers… Pourtant il aura fallu deux ans en pépinière pour obtenir cette végétation luxuriante au sein de laquelle sont lovés des tables en rotin et des vases émaillés d’Anduze qui confèrent à ce restaurant italien des allures d’oasis à la française.
Dans la salle couverte, la décoration a nécessité elle aussi deux ans de chine d’objets originaux dans des brocantes européennes. La vaisselle provençale est réalisée avec la faïencerie de Giens, les couverts sont signés Christofle. Seule la tour Burj Khalifa au loin, emblème de Dubaï, rappelle que le dernier Gigi a été pris sur la mer.
Autonomie des petites marques
Cette déclinaison revisite sa version glamour de l’avenue Montaigne et sa pousse balnéaire tropézienne. « Ce n’est pas un coupé-collé, mais on retrouve notre univers à 360 degrés : signature olfactive, décor soigné, boutique exclusive, kid’s club… », pointe Laurent de Gourcuff, fondateur de Paris Society.
Pour le client, cette dolce vita alliée à la French touch a un prix : 200 euros le ticket moyen par personne au dîner avec l’aubade de quelques artistes, 75 à 100 euros le lit transat près de la plage ou de la piscine, 1.000 à 5.000 euros la tente à baldaquin abritant 8 à 10 personnes (soft drinks inclus)… Mais dans l’émirat, le pouvoir d’achat est là, entre familles royales du Golfe, expatriés, touristes haut de gamme…
Dans le quartier de Bluewater, Paris Society vient d’inaugurer Maison Revka, une autre de ses enseignes parisiennes à succès, axée celle-là sur une cuisine slave. Un choix qui ne doit rien au hasard : plus de 80 % des résidents de Bluewater sont… russes. La gageure a été de reconstituer l’opulence de cette datcha de luxe sous une latitude caniculaire, et de la loger au sein du nouvel hôtel Delano, une marque née à Miami il y a trente ans et plutôt associée à l’architecture Art déco…
Mais là encore, rien de si étonnant : le Delano a été repris par Ennismore, filiale d’Accor (à 62 %) dédiée à l’hôtellerie lifestyle (So/, Mama Shelter, 25Hours, The Hoxton, Banyan Tree, Mondrian, SLS…). Là où trônait l’ancien Caesars Palace en mal de clientèle, les codirecteurs d’Ennismore, Gaurav Bhusan et Sharan Pasricha, ont conçu deux hôtels : un Banyan Tree, familial chic (en collaboration avec Banyan Group), et un Delano, très raffiné.
« Cela incarne notre ambition commune : la force du réseau Accor alliée à la profondeur et à l’élégance de nos marques », se félicite Sébastien Bazin, le PDG du groupe hôtelier, venu se joindre aux 1.200 VIP conviés à l’inauguration de la Maison Revka et du Delano. « Accor a toujours laissé beaucoup d’autonomie aux petites marques pour inventer des concepts d’hospitalité novateurs », souligne Laurent de Gourcuff, qui n’aurait pu seul investir les 9 et 6,5 millions d’euros nécessaires pour exporter Gigi et Maison Revka.
« Nous aurions pu commencer notre collaboration à l’étranger par Bangkok ou New York. Mais c’est à Dubaï que l’on trouve les concepts de restauration aux chiffres d’affaires les plus élevés, jusqu’à 15 à 30 millions d’euros. Accor est en outre le premier opérateur à Dubaï avec 63 hôtels et 18.600 chambres exploités, et 8 autres représentant 2.500 chambres dans le pipeline. C’est un émirat que l’on connaît très bien, la prise de risque d’embarquer Paris Society était faible », conclut Sébastien Bazin.
« A Paris, moins de 25 restaurants font plus de 10 millions de chiffre d’affaires, et nous en exploitons 15. Il fallait maintenant dupliquer nos marques dans des pays à forte valeur ajoutée. A Dubaï, la marge opérationnelle est trois fois supérieure », ajoute Laurent de Gourcuff.
Depuis le Mama Shelter, on a compris l’importance de la restauration dans l’hôtellerie Lifestyle pour vendre les chambres.
Laurent de Gourcuff Fondateur de Paris Society
Dans l’émirat, il n’y a pas de charges sociales, les salaires sont très peu élevés pour les postes non qualifiés, le taux de l’impôt société n’est qu’à 9 %, la TVA à 5 %, et la taxe municipale à 7 %. Et les ambitions sont grandes. « Il y a 20 millions de touristes à Dubaï et l’objectif est d’en attirer rapidement 25 millions. C’est dans le Golfe que les dépenses des visiteurs sont le plus élevées après les Etats-Unis et la Chine », remarque Margaux Constantin, du cabinet McKinsey.
L’émirat aux 150.000 chambres d’hôtels en veut 10.000 de plus pour la fin 2025, et étend son aéroport international Al-Maktoum pour accueillir 150 millions de passagers d’ici à dix ans (260 millions à terme) contre 94 actuellement pour le Dubai International Airport.
Foody travel
Accor a lui-même multiplié par plus de trois son portefeuille d’hôtels à Dubaï depuis 2015, et par plus de cinq pour sa division luxe et lifestyle. « Or depuis le Mama Shelter, on a compris l’importance de la restauration dans l’hôtellerie lifestyle pour vendre les chambres », souligne Laurent de Gourcuff. « Ce qui fait grimper le prix d’une chambre de 10 à 15 %, ce sont les services associés, et notamment l’offre culinaire, facteur clé de l’attractivité d’un hôtel et de la fidélisation de la clientèle locale », confirme Rizwan Kassim, fondateur de Rikas, l’homologue de Paris Society au Moyen-Orient avec 27 restaurants à Dubaï, lui aussi dans le giron d’Ennismore.
« Paris Society et Rikas vont s’épauler. Dans le Golfe, nos concepts seront opérés par Rikas et en France, nous déclinerons leurs marques », précise Laurent de Gourcuff. D’autant que « le Foody Travel est une tendance forte du tourisme », assure Margaux Constantin. « La troisième édition du Michelin compte déjà 106 restaurants, soit une augmentation de 53,6 % depuis la création du guide à Dubaï en 2022 », pointe Clémentine Martini, du ministère de l’économie et du tourisme.
« Par rapport à nos concurrents américains, Hyatt, Mariott, nous sommes le seul groupe à Dubaï, à avoir proposé d’assurer nous-mêmes l’intégralité des prestations d’hôtellerie, de restauration, de bar. Cela a été un atout maître » pour être sélectionné, reconnaît Sébastien Bazin.
Par Martine Robert (A Dubai) – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/accor-mise-sur-la-gastronomie-de-paris-society-pour-se-developper-a-dubai-2133744